NOTRE VIE "LA-BAS" 2
Pierre Salas- CHAPITRE 2-
Une mère comprend la langue de son fils muet.
Nous ne sommes pas des professionnels de l’écriture et très vite nous nous apercevons qu’un récit est toujours difficile à commencer, car il faut en déterminer le but afin d ‘en construire le fil directeur.
En général, il faut avoir une motivation intime nous poussant à écrire avec nos tripes et nos propres mots une page d’histoire. Le fait que nous en soyons les acteurs avec notre optique nécessairement partisane, n'enlèvera rien à l'intérêt de notre plaidoirie; car chacun a le droit de se défendre comme il peut (comme si besoin était) devant le tribunal des hommes, en attendant celui de Dieu.
Dans ce modeste récit, beaucoup d’entre nous se reconnaîtront. Nos famille certes, nos amis de toutes confessions mais aussi tous ces expatriés forcés venus d’Afrique du Nord ou d’ailleurs, lesquels seuls, ont le droit d’en parler.
Notre exode s’est déroulé dans le désordre le plus total et la pire désorganisation inhumaine qu’un cerveau malade, sénile et orgueilleux puisse concevoir.
Les parkings d’aéroport, les quais de gare, les aires d’embarquement, étaient pleines à ras bords de malheureux en détresse, livrés à eux-mêmes, affamés, désespérés et dans l’ignorance de l’endroit où ils allaient atterrir ou débarquer.
Les familles furent dispersées aux quatre vents.
Certains de leur membres se retrouvèrent à Alicante (Espagne) Port- Vendres ou Marseille où à leur arrivée dans cette dernière cité, en guise de bienvenue, étaient écrits sur les murs du quai, les mots « les Pieds- Noirs à la mer » avec l’accord complice et tacite des autorités de la ville.
Ces jours précédant le 5 Juillet 1962, ceux qui eurent la chance de pouvoir échapper au carnage, depuis le pont des bateaux, rivés au bastingage et entourés de compagnons d’infortune en larmes et silencieux, ont vu pour la dernière fois leur terre d’Algérie se confondre avec l’horizon jusqu’à former un angle aigu entre le ciel et la mer et disparaître à leurs yeux.
C’était la fin du chapitre essentiel de la vie d’êtres humains arrachés brutalement à leur environnement, à leurs souvenirs, à leurs défunts, à leur famille et à leurs amis, avec pour tout espoir : apprentissage accéléré d’une épreuve inhumaine : survivre en exil forcé.
Notre existence ressemble depuis, à celle d’arbustes faisant partie d'une grande pépinière déracinée et transplantée dans un autre environnement où malgré leur courage, leur volonté et leur abnégation, certains n'ont pu survivre et ont disparu, trop vieux pour reprendre racine et d'autres plus jeunes et plus robustes ont fait souche dans une terre inconnue et souvent hostile. Ils se sont adaptés au climat et ont poussé malgré les éléments ligués contre eux. Ils produisent à leur tour d'autres ramifications qui prendront le relais.
Le temps a accompli son oeuvre. Les sentiments exacerbés se sont un peu émoussés. Chacun a retrouvé une sorte d’équilibre et de paix intérieure apportés par nos enfants et surtout par les petits “Patos” qu’ils nous ont donné.
Nous nous sommes endurcis, et avons pris conscience de notre force. Et même si beaucoup d’entre nous ne sont plus là, notre relève est assurée et grâce à elle, nous représentons maintenant une puissance électorale d’ au minimum 1.000.000 de voix. De ce fait, nous aurons toujours un rôle à jouer dans l’échiquier politique.
Quand on sait qu’une élection ou un referendum se jouent parfois à quelques milliers de voix, notre soutien à un candidat méritant pourrait bien lui faire remporter le cocotier
Ah ! Si nous pouvions seulement, créer l’union nécessaire et indispensable entre toutes les organisations de rapatriés et parler d’une seule voix. Nous pourrions répondre à toutes les questions, affronter n’importe qui et négocier les affaires encore en suspens que chacun d’entre nous, connaît sur le bout des doigts.
Quand, on constate de nos jours, l’émotion, la colère et les réactions que suscitent auprès des associations politico humanitaires, l’accueil des réfugiés et des sans papiers en fuite des ex-pays soi-disant décolonisés et auxquels on a accordé leur indépendance, on a le droit de faire des comparaisons avec la manière dont nous-mêmes avons été reçus et se dire que l’on nous a considéré comme des individus de bas étage et sans aucune valeur.
Certains de ces réfugiés ont acquis maintenant droit de cité et sont français, et font ce qu’ils peuvent pour se fondre dans la masse. Ceux-là aidons les ! Mais d’autres nous conduisent tout droit à la libanisation de notre pays (se référer aux émeutes de la ceinture parisienne d’octobre et encore d’actualité en ces jours de novembre 2005 et Mars 2006).
Chacun le pense tout bas, n’ayons pas peur de le dire tout haut. Nous, nous savions par avance et par expérience qu’il ne pouvait en être autrement, car nous avons déjà vécu cette même situation. En effet que ce soit en Algérie avec le F.L.N, au Maroc avec l’Istiqlal ou en Tunisie avec le Neo-destour, nous avions notre lot quotidien d’émeutes avec pour sport favori, la chasse aux Français et leur mise à mort, les attentats aveugles, les incendies et la destruction de biens publics . Seule l’intervention des Légionnaires ou des Paras, faisait fuir ces émeutiers verts de peur à leur seule apparition et courant en tous sens comme des dératés.
L’histoire étant un éternel recommencement nous savions qu’un jour ou l’autre, cela commencerait aussi en France à cause d’ un afflux massif d’ émigrés en provenance de ces pays décolonisés, en proie à la famine et au chômage, car dés le départ de la France, ces pays abandonnés sont tombés entre les mains d’individus peu scrupuleux dont le patriotisme reposait sur un seul but : s’enrichir par tous les moyens, comme entre autres, certains potentats Africains qui cerclaient le cou de leurs chiens avec des colliers en diamant et possédaient en France, des châteaux sous le regard bienveillant et impavide des plus hautes autorités de l’époque.
Nous, depuis ces évènements de sinistre mémoire, nous vivons notre exil forcé, en contournant des écueils ou en nous brisant contre eux, mais en essayant toutefois de suivre un chemin, le plus linéaire possible en conformité avec nos convictions et nos croyances et en appliquant quelques règles élémentaires et de bon sens, à savoir : se dévouer aux siens, rester soi-même en toute circonstance, respecter et apprécier les autres uniquement à leur juste valeur humaine et non pas à l’épaisseur de leur porte feuille.
Nous n’avons ni la prétention ni la naïveté de penser que nous sommes un exemple à suivre, tant s'en faut! Nous savons tous qu’à notre age actuel, canonique pour certains d’entre nous, personne ici-bas n'est détenteur de la vérité, que chacun est son libre arbitre et que cette existence est insignifiante et microscopique à l'échelle de l'univers et du temps
.
Mais si, comme nous pouvons l’espérer, les notre appliquent quelques principes de base inculqués par leurs anciens et puisent leur force intérieure dans cet esprit enthousiaste reçu de leurs arrières grands-parents, leur propre mental aidant, ils n'auront pas grand-chose à craindre de la vie et de l’échelle temps. Ils surmonteront beaucoup d'obstacles.
Attisons le souvenir de ceux qui ont vécu ces événements pour les aider à faire connaître notre histoire à ceux qui seraient pressés d’oublier notre passé qui est pourtant un patrimoine sacré pour les valeurs qui s’en dégagent. C’est vrai que bien souvent pour la majorité d’entre nous nous avons eu à affronter des situations difficiles tant sur le plan professionnel que du point de vue santé, mais nous avons toujours eu pour nous la foi, celle qui permet à chacun , de s’en tirer par notre capacité de réaction, notre détermination et la soif de vivre qui nous anime.
Nous avons aussi laissé des plumes car on ne fait pas d’omelette sans casser des œufs , mais les gènes de nos aînés nous ont permis souvent de limiter les dégâts et de nous sortir de situations inextricables pour beaucoup mais pas pour ceux qui ne veulent pas renoncer. Pour ce faire, nous disposons comme tout un chacun, d’un atout de poids, pacifique mais efficace et redoutable à manier toutefois avec précaution : l’informatique. N’oublions jamais que nous avons devant nous un magnifique challenge, celui de faire table rase du passé, sans rien oublier cependant et sans rien lâcher et par ce moyen, faire connaître au monde entier notre histoire , les injustices et les « basses » pressions que nous supportons depuis 43 ans.
Au moins, quand viendra l’heure de tirer notre révérence, nous aurons le sentiment d’avoir bien rempli notre vie et lutté jusqu’au bout pour ne pas perdre encore une fois, les valeurs auxquelles nous sommes tous viscéralement attachés!
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