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28 février 2014

1 MARS 1962

Document transmis par José Castano

L’assassinat de la famille Ortéga

« Aucune cause ne justifie la mort de l’innocent. Si je peux comprendre le combattant d’une libération, je n’ai que dégoût devant le tueur d’enfants » (Albert CAMUS)

            Le printemps était revenu, avec ses éveils de sève, les gouttelettes vertes et les blanches éclosions des fleurs au bout des branches. C’était le retour des papillons, des oiseaux, de la vie. Tout reverdissait comme par enchantement ; les mimosas, fleuris à profusion, ressemblaient à d’énormes bouquets dans lesquels les colibris chantaient de leur toute petite voix douce, pareille à la voix des hirondelles qui jaseraient en sourdine. Et la nature s’était tant hâtée d’enfanter tout cela, qu’en huit jours elle avait tout donné…

Pourquoi tant de hâte ? Savait-elle alors que c’était là son dernier printemps ?… Voulait-elle offrir une ultime vision de Paradis à ceux pour qui le glas allait sonner ?

            Le 1er mars 1962, tombait un jeudi. Il faisait le temps même de la vie, le temps qu’on imagine pour le Paradis. Un air doux et léger, un ciel aux profondeurs bleues à qui le soleil réservait sa plus fastueuse débauche de lumière, une senteur subtile de jardin laissait supposer une journée radieuse…

            Il était 14h30, un groupe de Musulmans fit irruption dans la conciergerie du stade de La Marsa, à Mers El-Kébir, tout près de la base militaire. Dans une véritable crise de folie meurtrière collective, ces hommes s’emparèrent de la gardienne, une européenne de trente ans, Mme Josette Ortéga et, sans la moindre raison, à coups de hache, la massacrèrent. Couverte de plaies affreuses, dans un ultime effort, elle tenta de s’interposer entre les bourreaux déchaînés et son petit garçon, mais en vain. Les tortionnaires déments frappèrent encore sous les yeux horrifiés du petit André, quatre ans, puis quand il ne resta plus qu’une loque sanguinolente, ils se saisirent de l’enfant et lui broyèrent le crâne contre le mur.

            Alors que, leur forfait accompli, ils s’apprêtaient à partir, ils aperçurent la fillette, Sylvette, cinq ans, qui venait du jardin, les bras chargés de fleurs. Aussitôt l’un des hommes se jeta sur elle, la roua de coups puis, la saisissant par les pieds, lui fracassa la tête contre la muraille.

            Quand M. Jean Ortéga, employé à la direction des constructions navales, franchit la grille du stade, le silence qui régnait le fit frissonner. D’ordinaire, ses enfants accouraient, les bras tendus dans un geste d’amour. Une angoisse indéfinissable le submergea. Il approcha lentement, regarda autour de lui… puis, là, dans la cour, un petit corps désarticulé tenant encore dans ses mains crispées des géraniums, la tête réduite en bouillie, une large flaque de sang noirâtre tout autour.

            L’univers qui tourne comme une toupie : rouge, noir, blanc ; parler… crier… non… rien : l’effondrement enfin, salutaire, libérateur, mort et vie à la fois : le hurlement. Il se précipita, se figea devant le corps de son enfant, les yeux fixes, la bouche ouverte, semblant avoir été atteint par une soudaine paralysie. Puis son regard se porta à l’entrée de la maison… une mare de sang, un corps gisant, disloqué, mutilé par d’horribles blessures et près de lui, une petite forme qui n’avait plus de visage humain. Ce fut l’écroulement, la folie, la fin du monde…

            … Ce sont là des mots qui pleurent et des larmes qui parlent…

            Comme on pouvait s’y attendre, la funeste nouvelle se répandit comme un éclair. Le nom des victimes courut sur toutes les bouches ; les commentaires, les controverses violentes, les supplications lamentables, les récits décousus, les vociférations se fondèrent en une rumeur profonde d’ouragan prêt à se déchaîner.

            Les Kébiriens étaient anéantis. La famille Ortéga était connue et aimée de tous. Les supporters du club de football « La Marsa » la côtoyait chaque dimanche.  Après le choc, ce fut la révolte… Comment demeurer impassible après une telle monstruosité ? Comment prêcher la modération à un père qui découvre pareille horreur ? Quelles paroles de consolation pourrait-on lui apporter ? La lutte pour l’indépendance de son pays justifie-t-elle de semblables abominations ?

            Et la rumeur s’amplifia… et le tonnerre gronda…

-          Ils sont morts ? Comment sont-ils morts ? Qui a fait cela…

Il y avait dans ces questions un frémissement de colères, un foisonnement de fureurs, une tempête encore contenue de vengeances. L’amour patiemment cultivé depuis des générations s’était subitement transformé en une haine qui bouillonnait dans toutes les âmes.

            Les opinions s’échauffaient, s’exaspéraient, s’entrechoquaient et l’esprit de vengeance se réveilla en cette population assommée et exacerbée par tant d’années de terrorisme sordide. Sous les rougeurs tragiques du crépuscule, la cohue houleuse prit l’apparence d’une horde de sauvages mutinés. L’unique pensée qui talonnait tous ces gens, la pensée soudaine qui avait traversé tous les esprits comme un éclair, c’était d’empoigner le premier arabe venu pour frapper.

Sur la grande clarté fauve du soleil déclinant, une sorte de fatalité pesait sur toutes les consciences… et le tragique enchaînement de la violence se perpétua aux confins de la folie.

            Si l’on ne pouvait excuser tout à fait ce talion, on pouvait, tout au moins, essayer de le comprendre. Voilà sept années que l’on massacrait en Algérie, que l’on mutilait, que l’on violait et que l’on pillait. Aujourd’hui, les Européens répliquaient et versaient dans le désespoir. Voilà les causes des « ratonnades » et de la vengeance ! Voilà la raison de la création de l’OAS !

Si la France avait été vraiment à la hauteur de sa justice, elle n’aurait pas permis qu’un condamné à mort comme M. Chadli, avec cent-treize attentats sur la conscience, soit jugé le mardi et « évadé » le vendredi… Comment dans ce cas ne pas faire justice soit-même ?

            Comme de coutume, la presse métropolitaine –hormis le journal « L’Aurore »- se garda bien d’évoquer dans le détail l’assassinat de la famille Ortéga. A l’inverse, elle se déchaîna contre cette « nouvelle  ratonnade » en indiquant que « les tueurs nazis de l’OAS se livraient au racket et au massacre sur les Musulmans et les « patriotes » gaullistes ! »

            Ainsi ces vertueux journalistes au « coeur sur la main » oubliaient la terreur qu’imposait quotidiennement le FLN ; ils ne se souvenaient plus des charniers de Melouza et d’El-Halia, des soldats français torturés et dépecés encore vivants dans les gorges de Palestro, des bombes du stade d’El-Biar et du casino de la Corniche ; ils ne prêtaient aucune attention aux grenades qui explosaient chaque jour dans les écoles, les cafés, les arrêts d’autobus et qui déchiquetaient les jeunes enfants ; ils feignaient d’ignorer les enlèvements, les égorgements et les viols qui se multipliaient, mais ils stigmatisaient le « drame des ratonnades » qu’un journaliste, Yves Lavoquer, avait, sans gêne aucune, comparé aux « pogroms de la Russie tsariste et aux massacres nazis ». « Ce n’est pas de tuer l’innocent comme innocent qui perd la société, c’est de le tuer comme coupable » écrivait Chateaubriand.

            Ces atrocités ne révoltaient donc pas les consciences contre les criminels… mais contre les victimes. Ces milliers d’innocents versés dans la mort servaient à apitoyer le monde sur le sort des bourreaux. Le réflexe n’était pas l’indignation devant la sauvagerie du crime… mais la compassion envers les assassins à qui l’on trouvait toujours une excuse  à « leur acte désespéré ». Et si les survivants excédés ou terrorisés prenaient les armes pour sauver leur vie, dans un geste de défense aussi vieux que les âges, ils soulevaient contre eux l’unanimité des censeurs.

            Un poète persan a écrit : « Si la douleur, comme le feu, produisait de la fumée, le monde entier en serait obscurci ».

Il y avait tellement de fumée en Algérie, en ce terrible mois de mars 1962, qu’on ne voyait plus clair et qu’on étouffait…

José CASTANO

E-mail : joseph.castano0508@orange.fr 

Retour Joseph Castano. 

« Prends garde de ne point oublier ce que tes yeux ont vu et tu les enseigneras à tes enfants et petits enfants » (ancien testament, deutéronome 4,9)

Le poids des mots… le choc des photos (cliquez)

http://pagesperso-orange.fr/guerredalgerie/photos.htm 

 Pour obtenir des photos relatifs à chaque lien présenté, cliquez sur le lien puis sur l’onglet en haut à gauche : « page de garde », puis sur « photos » et retournez sur le lien choisi : Les photos apparaîtront. Les photos de la famille Ortéga se trouvent sur la ligne « barbarie ordinaire en 1962 »

 

Pour revoir: 

Tous les articles de José CASTANO, cliquer sur : - Mes Articles - 

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Sa biographie, cliquer sur :- Ma Biographie – 

-o-o-o-o-o-o-o- 

Article 19 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme : "Tout individu a droit à la liberté d'opinion et d'expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d'expression que ce soit"

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Commentaires
J
Elias voulez vous préciser votre pensée, c'est de la provoque ?Pour ma part je ne retournerais jamais dans ce pays que mes anciens ont contribué a faire.Le pétrole si les Français ne l'avaient pas trouvé vous ne l'auriez pas chercher, les américains ou les Russes peut être mais pas les Algériens.Les photos que je vois de l'Algérie ne m'encourage pas a mi rendre même pour un bref séjour.Je vous salue bien.<br /> <br /> jojo de R
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E
Je suis né en 69,en Algérie;<br /> <br /> <br /> <br /> Je ne suis concerné ni de prés ,ni de loin par l'histoire de ce pays (j'ai même appris grâce au net que c'est vous qui avaient fait de moi un Algérien;avant vous,qui étais -je?....)<br /> <br /> <br /> <br /> Bref;tout ce que je sais c'est que vous retrouverez ce pays quand les bandits l'auront trait jusqu’à la dernière goutte<br /> <br /> <br /> <br /> Ensuite,ils vous remettrons les clefs!!!!;mais tant qu'il y a du pétrole,vous n'aurez rien;c'est con mais c'est ainsi et vous le savez bien <br /> <br /> <br /> <br /> cordialement
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E
vous inquiétez pas<br /> <br /> <br /> <br /> VOUS REVIENDREZ TOUS<br /> <br /> <br /> <br /> c'est sur
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M
Je me suis rendu ce matin à l'église et j'ai allumé une bougie pour la famille ORTEGA .<br /> <br /> Je me demandais si j'allais le dire sur le site , mais voilà , c'est fait .<br /> <br /> Je ne vais pas souvent à l'église , et je crois que c'est la première fois que j'y allume une bougie . <br /> <br /> Mais que faire d'autre face à cette sauvagerie , qui d'ailleurs est absolument contraire aux recommandations du Prophète et au Coran ( cf Sommation à triple alternative ) .
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J
Bravo c'est tout à fait ce que je ressens<br /> <br /> <br /> <br /> A noter que lors du massacre de la famille Ortega j'avais 15 ans et habitais Kouba<br /> <br /> <br /> <br /> C'est vrai que la presse française ne parlait que de la "ratonnade" censurant le massacre de cette famille et la manière atroce de cette boucherie<br /> <br /> Mais je me souviens que mes parent à l'époque écoutaient radio suisse et que cette radio avait effectivement parlé de cette boucherie. Je revois encore dans ma tête l'image de ces petits enfants pris par les pieds et dont on fracassait la tête contre les murs.<br /> <br /> A noter que ce type de boucherie avait déjà eu lieu en 1961, je ne me souviens plus si c'était vers Rouiba : un de mes cousins éloignés avait une ferme et a été retrouvé égorgé, avec les parties génitales dans la bouche, sa femme enceinte avait été éventrée, son fœtus sorti et piétiné, leurs deux enfants de 2 à 5 ans environ avaient été pris par les pieds et la tête fracassée contre les murs.<br /> <br /> <br /> <br /> Morale de ce passé : Nous avons eu tord de vouloir rester français. Depuis 1936 la France est un pays décadent, qui ne vaut plus que l'on se batte pour elle. C'est un pays traite, qui trahit en permanence ceux qui veulent la défendre.<br /> <br /> J'ai compris cela il y a environ 5 ans et j'ai quitté la France. je n'y reviens que pour voir ma famille et admirer les traces de son passé tans qu'elles n'ont pas été détruite.
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L
Je viens d'écouter longuement Marine Le pen sur I Tele (canal 16) . Je peux vous assurer qu'elle a parlé de notre communauté et des harkis avec coeur, conviction et affection et elle a rendue hommage à nos ancêtres de là-bas pour le magnifique travail qu'ils ont accompli dans une terre hostile, marécageuse et livrée aux enfoirés et aux maladies endémiques. Elle s'est étendue longuement sur l'inertie et l'apathie de nos gouvernants depuis un certain 19 Mars 1962. Alors les couilles n'étant pas l'apanage des seuls hommes, je vote pour elle, mais bien entendu vous pouvez faire ce que vous voudrez et vous pouvez voter pour celui qui osera parler un peu tard de notre communauté. Jusqu'à ce jour je n'ai entendu que "Il n'y a pas d'abonnés au numéro que vous avez demandé".<br /> <br /> Allez la France, la vraie, celle qui ne se torche pas les fesses avec notre drapeau sur le Capitole à Toulouse et qui sait encore chanter à plein poumons: LA MARSEILLAISE<br /> <br /> LE HERISSON FRANCHOUILLARD
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T
Heureusement qu'il y a des gens comme vous, témoins comme moi des atrocités, faites par ces égorgeurs....Pour les générations futures,il faut dire et redire, cette partie de notre histoire peut glorieuse pour la France. (un ancien..1956-1958)
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P
Ah mon José! Quel dommage que nous n'ayons que trés peu de gaillards de ta trempe. en attendant ce renouveau nous continuons à prendre de l'age et à nous rider. C'est ce que recherchent toutes ces lavandières (tous partis confondus, sauf un)qui nous entourent.Nous avoir à l'usure. Quelle erreur magistrale de meur part Celui qui confirme la regle par son exceptionalité n'a pas de lavandiere à sa tete mais elle a en contrepartie ce qui manque à ses concurrents: de gros khlaouis<br /> <br /> Que Dieu nous la garde en temps, longtemps.<br /> <br /> PIERRE
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