MISSERGHIN
Village de naissance de la clémentine
ORIGINE DE LA CLÉMENTINE
5 juillet 1830, après des centaines d'années de piratages des barbaresques en Méditerranée, la France intervient en Barbarie, avec l'accord, et à la demande de plusieurs pays européens pour faire cesser ces actes. Sans arrière pensées de conquête.
Puis, les circonstances évoluant, la France reste et même nomme ce pays, sans nom jusqu'alors, « Algérie » selon le décret n° 89 du 14 octobre 1839.
Or donc, un village de colonisation, Misserghin est créé à 14km au sud d'Oran sur la route de Tlemcen.
Suite à la misère régnant sur les premiers colons et sur la population indigène, un orphelinat y est créé. Il sera dirigé par le père Abram de la congrégation des frères de l'Annonciation.
Le père Abram est né le 5 avril 1812 à Puisserguier dans l'Hérault. Il est ordonné prêtre le 25 mars 1837. Il quitte la congrégation de Notre Dame du Bon Secours à Montpellier pour l'Algérie en compagnie de quelques frères et s'installe donc à Misserghin où la nouvelle congrégation prend le nom de Notre Dame de l'Annonciation. Cette congrégation prend en charge la création et le fonctionnement de l'orphelinat qui se transforme en centre d'éducation générale et d'éducation professionnelle. Ceci afin d'instruire ces enfants orphelins. L'orphelinat est reconnu d'utilité publique par le décret d'approbation du 16 avril 1853, signé par Napoléon III.
Les frères, sous la direction éclairée du Père Abram y enseignent naturellement, l'écriture, le Français, l'orthographe, le calcul mais aussi et surtout les métiers de la tannerie, de la forge, de la cordonnerie, de tailleur, de menuiserie et de meunerie, charronnage.
Mais surtout un gros effort est fait dans l'enseignement de l'Agriculture et entre autres des métiers de pépiniériste et de l'arboriculture, du jardinage.
Ces travaux sont mis en pratique sur les terrains appartenant à la congrégation, terrains qui deviennent alors une vaste étendue agricole d'enseignement et de production où viendront aussi se perfectionner les producteurs locaux, indigènes et européens.
Les sœurs Franciscaines viendront alors prêter mains fortes pour toutes les fonctions d’administration, de lingères etc...
La pépinière, entre autres est à l'origine de la réputation de l'établissement.
Elle devient alors un champ d'expérience avec 148 000 arbres : 35 000 mûriers, 35 000 arbres forestiers, 70 000 arbres fruitiers, 6 000 arbres d'agrément et 2 000 arbres divers.
La pépinière devient un champ d'expérience pour plusieurs religieux aimant l'arboriculture et les activités qui en découlent. Entre autres, le frère Marie-Elie (1830-1905) était doué pour la distillerie. Doué d'un esprit chercheur et inventif, il se perfectionne dans la manipulation des vins et liqueurs, invente un filtre pour lequel il dépose un brevet et enfin trouve le procédé de fabrication de la liqueur de mandarine en 1870. Puis du vin de mandarine en 1876. Ce qui lui valurent plusieurs médailles d'or en France et à l'étranger.
Était présent aussi le frère Clément, au civil Vital Rodier, né en 1839 dans le Puy-de-Dôme. Son goût de l'horticulture et surtout de l'arboriculture devinrent une véritable passion. On peut même dire que rien n'a été planté sans lui sur les 20 hectares de la pépinière et les 35 hectares du vignoble. C'est lui qui a introduit dans le pays plusieurs centaines d'espèces d'arbres forestiers, fruitiers et d'ornement. Sans compter une merveilleuse collection de rosiers qui comprenait près de 600 variétés des plus rares.
Sans avoir une instruction très développée, le frère Clément était arrivé par le travail et l'expérience à devenir comme une encyclopédie vivante de toutes les plantes utiles de l'Algérie.
Ses travaux étaient reconnus par l'École supérieure d'Agriculture d'Alger.
Il avait alors découvert, dans la vallée de l'oued Misserghin un arbre inconnu, non cultivé et qui poussait parmi les lentisques. Ce n'était pas un mandarinier, ni un oranger. Ses fruits plus rouges que les mandarines étaient d'une saveur délicieuse er de plus n'avaient pas de pépins. C'est cette particularité qui devait surprendre le frère Clément. C'était, en fait un bigaradier. Intéressé par cette espèce de fruit, le frère Clément prit sur lui la décision de faire des greffes avec des greffons de ce bigaradier sur des mandariniers. L'opération réussit et les greffes se multiplièrent et avec la participation du professeur Trabut de l'École d'Agriculture d'Alger. Et ainsi naquit ce nouvel arbre, alliance du bigaradier et du mandarinier. Par la suite on donna le nom de Clémentinier à ce nouvel arbre et de Clémentine à ses fruits, en l'honneur de son "créateur" le frère Clément.
L'appellation de clémentine fut approuvée et divulguée en 1902 par la Société d'Agriculture d'Alger qui, sur un rapport des plus élogieux lu par le docteur professeur Trabut, décerna à la clémentine une médaille d'or grand module.
Le frère Clément mourut en 1904. Sur sa tombe fut gravée l'inscription : "En 1892 il découvre la clémentine".
Entre temps, c'est le cultivateur- pépiniériste, monsieur Montréal qui développa et améliora la culture du clémentinier, avec sa clémentine, fruit sans pépins, non seulement à Misserghin, sur ses terres mais aussi à Pont-Albin, village sur la même route de Tlemcen, immédiatement à la sortie de la ville d'Oran.
Malheureusement, depuis le départ de la France et de l'indépendance de ce pays en 1962, il ne reste pratiquement plus rien de tous ces travaux et bien entendu de l'orphelinat et de toutes ces installations...Connaissant très bien cette congrégation jusqu'en 1960, en y ayant passé de nombreux jours, en promenades puis en travail bénévole et enfin en séjours de scoutisme où nous étions toujours très bien accueillis par les frères et le père supérieur. Nous en profitions pour nous baigner dans les bassins d'irrigation.
Mes grands-parents sont nés à Misserghin ainsi que ma mère.
Michel Gonzales
Toutefois des études récentes menées par l’INRA de San-Giuliano en Corse consacrée à l'agrumiculture, ont montré à partir de l’analyse des chromosomes qu'il s'agissait en fait d'un hybride entre le mandarinier et l'orange douce (Citrus sinensis). La multiplication des clémentiniers du fait de l’absence de pépin s’est toujours fait par greffage d’une branche de clémentinier sur un porte-greffe différent suivant les régions ou elle est effectuée.
Le clémentinier par contre a maintenant pratiquement disparu d’Algérie.
Petite anecdote tragi-comique :
Sur le site actuel de la ville de Misserghin, on peut lire sous la plume de monsieur Sid-Cara, fils de l'ancien maire de ce village le docteur Sid-Cara qui était un fervent défenseur de l'Algérie française, ce qui suit :
"La création de la clémentine est due au dépôt d'une vieille mandarine dans une décharge publique et que grâce à la volonté d'Allah les grains ont germé en produisant la clémentine"… !
Et c'est comme cela que l'on réécrit l'Histoire.