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popodoran
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6 mars 2013

QUI SOMMES-NOUS ET QUEL EST NOTRE DEVENIR ?

Nous étions à peu près 1 million en 1962.

Au regard des 6 à 8 milliards d’êtres humains, c’est peu. A présent, avec les descendants, nous sommes 3 millions. À ceci près que notre génération se raréfie tous les jours et que nos enfants, dans leur immense majorité, ont fait leur vie, et que, n’ayant pas connu l’Afrique du Nord ni vécu notre genre de vie si particulier, il nous ait bien difficile de partager un quelconque souvenir avec eux.

S’ajoute à cela plusieurs facteurs :-

-              Nous « embellissons » inconsciemment notre vie passée et nos souvenirs sont souvent en partie erronés.

-              Les souffrances endurées pendant sept ans, les pertes parfois très douloureuses d’êtres chers et le sentiment – parfois inconscient – d’avoir perdu irrémédiablement la partie (j’y reviendrai) ont fait que bon nombre d’entre nous ne voudrons plus en parler.

Certains allant jusqu’à se laisser mourir de chagrin.

Tous ces traumatismes – jamais pris en compte par la sécu ou les équipes de psychologues spécialisés – s’ils ont contribué à un mutisme permanent depuis 50 ans, n’ont pas entamé néanmoins cette formidable joie de vivre qui nous caractérise.

-              Comme les revenants des camps de la mort, les Français d’Algérie, (sans aucune mesure cependant quant aux sévices reçus ni au nombre de morts), se sont recroquevillés sur leur douleur dont ils ne parlaient qu’entre eux.

-              Il faut ajouter à tout ce qui précède que le premier souci de notre génération, ce qui, du reste était un palliatif, voire un viatique à ce déracinement, était de fonder une famille et d’avoir une situation pour lui donner à manger.

Dans notre malheur, heureusement que nous sommes tombés au début des « 30 glorieuses » et que le travail ne manquait pas.

Certains d’entre nous, qui auraient peut-être végété à Alger ou à Oran, ont fait fortune en France et se sont taillés des empires.

Ceci étant dit, je vais un peu rabâcher parce que tout le monde l’a dit et écrit à foison, ce petit peuple était constitué, comme toute communauté, de ressortissants venus de toute la Méditerranée, de France, du Languedoc à la suite du phylloxéra et d’Alsace-lorraine après 1870.

Tous les métiers et toutes les professions, ainsi que toutes les tendances politiques étaient représentés.

Les « gênes » principaux de notre communauté étaient, et sont encore, à peu près au même niveau :-

-              L’amour du travail…Et du travail bien fait.

-              L’amour de la famille….avec tout ce que cela comporte comme dit et comme « non-dit ».

-              L’amour immodéré de notre pays pour lequel chacun d’entre nous était prêt à donner sa vie…et beaucoup l’ont fait.

-              Et pour les croyant, l’amour de nos religions respectives et pour les Méditerranéens, l’amour de la Sainte Vierge.

Les deux piliers essentiels de cette colonisation sont toujours restés l’Armée d’Afrique (pour notre sécurité, parce que sans une armée forte, nous aurions été balayés) et l’exploitation de ces immenses espaces en friche.

 ***

            Alors, 130 ans d’occupation d’un territoire et un million de ressortissants, c’est peu dans l’histoire du monde et c’est beaucoup à la fois.

Je m’explique :

Notre histoire est d’abord une épopée, mais une épopée à la française.

Ce n’est pas la conquête de l’ouest dans les plaines américaines et l’extermination des Comanches. C’est même l’inverse.

Les grands faits d’arme comme les exploits d’un Youssouf ou la prise de la smala d’Abd-el-Kader par les 300 Chasseurs d’Afrique du Duc d’Aumale contre les 3000 arabes resteront dans l’histoire.

Pétris des grands principes de la IIIème République (de gauche, il faut le souligner), nous voilà donc conquérants, pacificateurs, médecins, ingénieurs, architectes, commerçants, artisans, administrateurs et agriculteurs pour le plus grand épanouissement des populations. . .

Mais là, j’ouvre une parenthèse.

Ce qui va suivre ne va pas plaire à tout le monde, c’est cependant ce que je pense.

Je ne l’ai jamais entendu dire dans nos réunions, conversations ou discours.

Je ne l’ai jamais lu dans aucun article pour ou contre nous.

Il a fallu que je le découvre tout seul dans mon coin.

A la question, toujours lancinante : «Pourquoi j’étais mieux là-bas qu’ici ?».

Un beau jour, il n’y a pas si longtemps, la réalité m’a sauté aux yeux : «Là-bas, le PATRON  c’était toi !».

Même le dernier ouvrier-jardinier embauché en mars-avril 1962 (c’est la vérité et…il fallait le faire, c’est dire l’aveuglement collectif) par mon père, qui venait avec sa famille d’Andalousie et qui ne parlait pas un mot de français, inconsciemment, savait que, si lui était en bas de l’échelle, il y en avait un autre qui était encore plus bas : L’autochtone, l’Arabe.

Et là, j’entame un chapitre des plus importants de notre communauté : Cette espèce de « je t’aime – moi non plus » qu’on retrouve tout le temps. Cette haine du « Moro » qui nous a fait tant de mal, le couteau entre les dents, et en même temps cette compassion, cet amour de l’autre, cette générosité, cet altruisme bien français qui fait que, loin d’avoir exterminé une race, comme les Amerlocs avec les Indiens, on a construit dispensaires, écoles et hôpitaux.

Les souvenirs et les prises de position des parents affluent en écrivant :

Mon père nous disant, en passant devant le Dar-el-Askri (la Maison du combattant musulman) en face du cimetière de Tamashouet : «Regardez bien ces vieux qui boivent le thé, eux, ils sont revenus, mais leurs copains sont restés sur les pentes de Cassino».

Ou bien ma mère : «Ce sont de grands enfants, il faut s’en occuper».

 ***

J’ai jeté çà et là quelques idées, mais ce n’est pas fini.

Avant d’aborder la conclusion, il me reste à te dire, Amandine, les trois peines, toutes trois immenses et surtout immérités, parce que, tout compte fait nous n’avons pas faillis et nous n’avons rien à nous reprocher, si ce n’est d’avoir traversé par deux fois la mer Méditerranée pour sauver notre pays.

Ces trois blessures profondes que nous a infligé de Gaulle et son gouvernement d’alors.

La première est la perte d’une guerre. Et qu’on ne vienne pas me raconter que nous l’avions gagnée sur le terrain. Quand on gagne une guerre, on défile sur les Champs Élysées avec flonflons et binious. On ne s’en va pas la queue entre les jambes avec une valise en carton pour tout bagage !

La seconde est la perte d’un pays. Ce qui n’est pas rien. Que nous le voulions ou pas, nous sommes des exilés dans notre propre pays et nous n’avons de cesse que de regarder de l’autre côté. Et ceci jusqu’à notre mort à tous.

Aurions-nous pu garder l’Algérie française ? Grande question.

 Pour ma part, au vu de tout ce qui s’est passé depuis un demi-siècle dans cette mer Méditerranée, je répondrais par la négative….Mais « quien sabe».

Enfin, la dernière blessure et non la moindre c’est l’éloignement et la dispersion de tous ces pauvres gens à des centaines de kilomètres sur l’hexagone. Des parents qui s’aimaient, des cousins qui avaient un plaisir fou à se voir, une belle sœur à Bayonne et une autre à Mulhouse….

Pour un peuple si attaché à la famille. Bonjour les dégâts

Salopard de de Gaulle. . . .Je m’emporte.

Alors, que restera-t-il de notre histoire dans un siècle ou deux : Pas grand-chose, je le crains.

Quelques lignes dans un livre d’histoire que les boutonneux de 2.250 liront en baillant. Déjà que cela ne les intéresse pas tellement.

J’aimerais quand même leur enseigner au moins deux trucs :

Nous avons construit un pays, ça, ce n’est pas anodin.

Ce pays, nous l’aimions passionnément.

Faites excuses . . . . . Je pleure

Henri Lafite le 31 août 2012

Retour coups de cœur.

 

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Commentaires
M
Mon père avait des amis dans les trois confessions , et comme tous les pieds noirs avait le culte du travail , de l'honneur , la bienveillance et la probité chevillée au corps .<br /> <br /> <br /> <br /> Le plus riche de la ville était un musulman , fort respecté par tout le monde , un orphelin qui a force de travail avait monté peu à peu les échelons . Il n'était pas le seul .<br /> <br /> <br /> <br /> Il n'y a pas qu'eux qui sont restés sur les pentes du Mont Cassin ( Lire " Les Pieds Noirs " de Damitio ). Il s'agissait bien entendu de francophiles ( Les Algériens , Tunisiens , Marocains ) qu'on retrouvera dans les Harkas , mais cela est autre chose . Gloire à eux .<br /> <br /> <br /> <br /> Apres le debarquement du 8 Novembre 1942 en AFN, l'Armee d'Afrique formera le noyau des troupes qui vont liberer la FRANCE. <br /> <br /> En depit des mauvaises querelles politiques de l'époque, une mobilisation en masse des Français d'AFN est opéree. <br /> <br /> 20 classes (de la classe 24 a la classe 44) sont mobilisées, soit 16,4% de la population <br /> <br /> Un effort jamais réalisé en FRANCE (en 14/18 le maximum de la mobilisation a ete de 12,5%). <br /> <br /> Une telle conscription en FRANCE Metropolitaine aurait donne 9 Millions d'hommes sous les drapeaux, et Hitler serait resté chez lui . <br /> <br /> 176 000 Français d'AFN vont participer aux Campagnes de TUNISIE, SICILE, CORSE, ILE D'ELBE, ITALIE, FRANCE Metropolitaine et, du RHIN au DANUBE, a la Campagne d'ALLEMAGNE ( lire Damitio , " Les Pieds Noirs " ) . <br /> <br /> Algeriens, Tunisiens, Marocains , fournissent 233 000 mobilises ou volontaires, soit 1,58% de ces populations.
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A
Je vous remercie d'avoir écrit tout cela, c'est ce que je pense.<br /> <br /> <br /> <br /> Je ne suis pas d'accord avec "la haine du Moro" cela n'a jamais existé.<br /> <br /> <br /> <br /> Libéré de notre emprise, qu'ont ils faient de notre Algérie?<br /> <br /> <br /> <br /> Se sent-il plus heureux?<br /> <br /> <br /> <br /> Non ils réalise tous qu'il ne peuvent pas vivre dans cette Algérie que nous avons construit.<br /> <br /> <br /> <br /> E tnous voyons arriver en France des millions d'Algériens qui viennent MENDIER la nationalité Française. Ils renie par là même leur nationalité, leur drapeau, leur constitution, leur gouvernement, ce sont eux les TRAITRES A LEUR PATRIE et non pas les HARKIS.<br /> <br /> <br /> <br /> Staoueli
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A
bonjour<br /> <br /> je comprends ce que vous resssentez ,mais chaque fois que quelqu'un de votre communoté reagit oubli une chose importante les marocains d'algerie qui ont participé enormement à l'edification de votre patrimoine et votre passé , le moment ou les francais ne trouvaient personne pour faire tel ou tel travail , nos peres marocains etaient la pour le faire et ils le faisaient serieusement ,et a la fin ils ont subi votre meme sort , quiter l'algerie mais cette fois ci sans valise comme vous le dites toujours valise ou circeuil. c'etait en 1975 expatries au maroc laissant derierre eux patrimoine , enfance , passé ......<br /> <br /> maintenant si vous voulez reconstituer votre passé sortez de cet esprit (francais . francais ) et rejoignez vous a toute initiative <br /> <br /> de mon coté je suis marocain directuer d'agence bancaire a oujda maroc (49 ans ) j'ai du quiter l'algerie en 1975 (11 ans ) avec mon pere qui a travaillé avec des francais toute sa vie et qui a pu demarer ou reussir sa vie a nouveau au maroc <br /> <br /> dans ma memoire j'ai beaucoup de choses a vous dire et vous expliquer , je tends ma main a vous pour penser ensemble dans un contexte ou un autre pour reconstituer cette histoire et la revivre a nos enfants nous avons le meme chagrin,mais aussi le meme espoir <br /> <br /> mais cette fois ci soyez realiste et n'ecartez pas la presence des marocains <br /> <br /> salut
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G
J'ai éprouvé un réel plaisir en lisant ces lignes que j'aurai pu écrire moi-même si j'en avais été capable, et dans les mêmes termes.<br /> <br /> Merci
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K
Pour te comprendre, il faut l'avoir vécu et pour ma part c'est ancré au fonds de moi, lAlgérie est dans mon coeur, c'est ma vie de jeune de l'époque. Il est vrai que l'exil n'a rien arrangé, maintenant nous sommes là, pour ceux de ma génération, les parents ont disparus et il est vrai que nos enfants qui n'ont pas connu notre pays, à part à travers nous, ne sont pas concernés par ce problème.
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